OMH-CV : Observation post-crise des évènements extrêmes des 8-9 septembre 2002
 

Reconstruction de la crue majeure du 8-9 septembre 2002 dans le Gard.

Le 8-9 septembre 2002, un évènement pluvieux extrême provoqué par un système convectif stationnaire de méso-échelle (MCS) s’est produit dans la région du Gard et a causé 24 décès ainsi que de sévères dégâts économiques. Les équipes de recherche de l’OHM-CV ont procédé à une intensive collecte de données sur le terrain dans les mois qui ont suivi l’événement (Delrieu et al. 2005).

Le bassin versant du Gard à Remoulins a une superficie d’environ 2000 km2. Il s’étend depuis les reliefs des Cévennes jusqu’au Rhône et présente une topographie et une géologie contrastées, cette dernière allant de formations primaires (granites et schistes) à l’amont, aux calcaires jurassiques à l’aval. Ce bassin présente une particularité géomorphologique. Au pied des reliefs cévenols, une zone de plaine s’étend sur environ 20km, puis se rétrécit drastiquement à l’entrée des gorges du Gardon . Pendant la majeure partie de la crue, ce goulot n’a pu absorber la totalité du débit amont ce qui a provoqué un remous hydraulique inondant la plaine de la Gardonnenque (Figure 1) située juste en amont des gorges.

L’étude menée vise à exploiter les différentes sources de données collectées par les services opérationnels et celles acquises durant la campagne de terrain de l’OHMCV afin d’analyser les différents processus qui ont conduit à cet épisode majeur : pluie, ruissellement, écoulement en rivière. Les données opérationnelles sont les images des radars météorologiques de Bollène et de Nîmes (réseau ARAMIS de Météo-France), les relevés des réseaux de pluviomètres de la région gérés par le Service de Prévision des Crues Grand Delta (SPC GD), Météo-France et EDF, et les données limnimétriques (hauteurs et débits estimés) des stations de jaugeage des rivières (SPC GD). La campagne de terrain a permis d’enrichir ces informations par des estimations de débits maximums à partir de laisses de crue (indices visibles du niveau d’eau maximum atteint) et des témoignages de riverains permettant de préciser l’ampleur et la chronologie de l’événement sur les petits bassins versants non jaugés par les services opérationnels.

L’exploitation des données radar et des réseaux pluviométriques a permis une estimation spatialisée des pluies durant tout l’évènement au pas de temps de 5 minutes. On a également pu établir l’existence de trois phases principales. Au cours de la première, les pluies se sont concentrées sur la partie centrale du bassin avec pour effet des crues éclair locales et la saturation des sols. Dans un deuxième temps, le système convectif s’est déplacé vers les reliefs des Cévennes, provoquant des crues très violentes dans la région d’Alès et d’Anduze. Un front froid a finalement évacué le système convectif vers l’est dans la matinée du 9 septembre. La trajectoire particulière de la partie convective du système pluvieux associée à ses étapes stationnaires explique l’ampleur exceptionnelle de la crue sur l’ensemble du bassin versant du Gard (Figure 2).

Le modèle hydrologique NTopmodels (Le Lay et Saulnier 2007) permet l’étude spatialisée du ruissellement en surface et en subsurface. Alimenté par les données de pluies spatialement distribuées, ce modèle a été mis en œuvre avec une procédure de calage qui ne s’appuie que sur un seul point de calage à Ners. Une bonne correspondance avec les relevés terrain est observée pour les bassins en amont de Ners. Un moins bon accord entre modélisation et observation est obtenu dans la partie aval du bassin. Les voies d’explication en cours d’exploration sont l’hétérogénéité géologique du bassin avec notamment la présence de zones karstiques à l’aval, un défaut d’estimation des pluies et/ou la défaillance structurelle de la modélisation hydrologique.

Afin de tenter de reproduire la dynamique particulière de la crue liée à la présence des gorges, une modélisation hydraulique 1D en régime non-permanent a été réalisée à l’aide du logiciel CARIMA de Sogreah Consultants (Cunge et al. 1980). La représentation des zones inondées est effectuée à l’aide de casiers. Les débits des affluents du Gard générés par NTopmodels sont injectés dans le modèle hydraulique de la partie aval du bassin comprenant la plaine de la Gardonnenque, les gorges, et le dernier tronçon jusqu’au Rhône. Cette modélisation s’est avérée pertinente pour reproduire la dynamique de la crue à Remoulins (Figure 3) ainsi que pour l’amélioration des courbes de tarage des stations opérationnelles de débit. La modélisation des crues dans les zones fortement karstiques reste encore très perfectible. Le détail de ces travaux est décrit dans Bonnifait et al. (2009).

Références :

Bonnifait, L.; Delrieu, G.; Le Lay, M.; Boudevillain, B.; Masson, A.; Belleudy, P.; Gaume E.; Saulnier, G.-M. , 2009 : Hydrologic and hydraulic distributed modelling with radar rainfall input: Reconstruction of the 8-9 September 2002 catastrophic flood event in the Gard region, France.. Advances in Water Resources, 32, 1077-1089.

Cunge , J.A ; Holly, F. M. ; Verwey, A., 1980. Practical Aspects of Computational River Hydraulics. Pitman Publishing, London, 420 pp.

Delrieu, G.; Ducrocq, V.; Gaume, E.; Nicol, J.; Payrastre, O.; Yates, E.; Kirstetter, P. E.; Andrieu, H.; Ayral, P. A.; Bouvier, C.; Creutin, J. D.; Livet, M.; Anquetin, S.; Lang, M.; Neppel, L.; Obled, C.; Parent-du-Chatelet, J.; Saulnier, G. M.; Walpersdorf, A.; Wobrock, W. , 2005 : The catastrophic flash-flood event of 8-9 September 2002 in the Gard region, France: A first case study for the Cevennes-Vivarais Mediterranean Hydrometeorological Observatory. Journal of Hydrometeorology, 6, 34-52.

Le Lay, M.; Saulnier, G. M. , 2007 : Exploring the signature of climate and landscape spatial variabilities in flash flood events: Case of the 8-9 September 2002 Cevennes-Vivarais catastrophic event. Geophysical Research Letters, 34, L13401.

   
Figure 1 : Relief de la zone d’étude et carte des zones inondées dans le bassin du Gard lors de l’inondation du 8-9 septembre 2002


Figure 2 : Cumul des pluies sur 48h en mm, estimé à partir du radar associé aux pluviomètres (précipitations annuelles : 1000 mm)


Figure 3 : Comparaisons des hydrogrammes calculés à Remoulins avec l’hydrogramme mesuré.

 
 

Rapport Inspection Générale de l'Environnement, 2003 :

Synthèse : Retour d'expérience des crues de septembre 2002 dans les départements du Gard, de l'Hérault, du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône, de l'Ardèche et de la Drôme. Rapport consolidé après phase contradictoire. (Philippe Huet, Xavier Martin, Jean-Louis Prime, Patrice Foin, Claude Laurain et Philippe Cannard)

Estimation quantitative et qualitative des dommages économiques dans le Gard à la suite des inondations des 8 au 10 septembre 2002 Cas des entreprises et de l’habitat des particuliers (Ledoux consultants);

Analyse de l’episode pluvieux du 08 et 09 septembre 2002 (Luc Neppel);

Analyse hydrologique des crues des 8 et 9 septembre 2002 dans le Gard (Eric Gaume, Olivier Payraste et Barbara Rosa da Silva).

 

 

Contributions de Laurent Bonnifait, Guy Delrieu et Matthieu Le Lay